Démarche artistique

Introduction

Gauthier Fabri travaille sur deux collections: les Métamorphoses et les Mosaïques de Fleurs, cette dernière étant le fruit et la continuation de sa démarche initiale À la recherche des couleurs de Monet à Giverny, grâce à laquelle il a été sélectionné pour participer au festival Normandie Impressionniste 2020 à Rouen.

En mélangeant la lumière, les formes et les couleurs à la manière d'un alchimiste, Gauthier Fabri cherche à créer des œuvres belles, lumineuses, équilibrées et inspirantes, avec une grande puissance évocatrice. Qu'elles soient vivement colorées ou pratiquement monochromes, minimalistes ou fourmillant de détails, ses œuvres ne se « livrent » jamais entièrement dès le premier regard, car elles recèlent toutes une part de mystère. Deux livres éclaireront ceux et celles qui souhaitent lever un coin du voile et comprendre la démarche de l'artiste.

Dans le livre Métamorphoses, on découvre que chaque œuvre (même les plus abstraites en apparence) a sa propre histoire est qu'elle est toujours l'aboutissement d'une véritable quête ou d'un cheminement qui ne doit rien au hasard. 

Voir le livre "Métamorphoses"

Le livre À la recherche des couleurs de Monet à Giverny invite à un voyage d'une année entière dans les jardins de Monet. On y voit la palette de l'artiste s'étoffer de mois en mois dans des jardins qui, au fil des saisons, se transforment en de véritables tableaux de maître.

Voir le livre "À la recherche des couleurs de Monet à Giverny"

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Les Métamorphoses

Sous la surface des choses

Dans ses Métamorphoses, Gauthier Fabri estompe l'objet pour n'en garder que la quintessence. Sortant du cadre de la photographie objective et descriptive, l'image devient une invitation à accéder à un monde plus profond et mystérieux, celui des émotions, des pensées et des rêves.

Peindre avec la lumière

Gauthier Fabri aurait rêvé d'être peintre pour pouvoir s'exprimer avec cette liberté totale que permet la peinture, sans autre limitation que la dimension de la toile et le talent de l'artiste. Parmi les peintres qui l'ont le plus marqué, on trouve Arcimboldo, Jérôme Bosch, Dali, Klimt, Magritte, Monet, Picasso et van Gogh. Ce n'est donc pas par hasard si ses œuvres s’apparentent souvent davantage à la peinture qu'à la photographie. Le travail de Gauthier Fabri évoque également l'art du vitrail, grâce à une lumière semblant provenir de l'intérieur des œuvres elles-mêmes, par un jeu de transparences et par la présence de noirs profonds qui contrastent avec les hautes lumières et structurent l'image à l'instar du plomb des vitraux.

Transmuter le réel

Dans son univers visuel aux frontières de l'abstraction, les choses se transforment jusqu'à s'inverser dans une sorte d'alchimie: le flou devient net, le noir et blanc devient couleur, le haut devient comme le bas. Par le biais de ses Métamorphoses, Gauthier Fabri questionne la notion de représentation et au-delà, de la réalité elle-même à travers ce qui constitue l'essence-même de la perception visuelle: les formes et les couleurs.

Alchimies naturelles: la nature sens dessus dessous

Dans la Table d’émeraude (un des textes les plus célèbres de la littérature alchimique et hermétique), il est dit: « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas », une maxime que la nature semble parfois vouloir reprendre à son compte lorsque les éléments se fondent et se confondent dans son creuset pour composer d'extraordinaires tableaux.

Vue, regard et vision

Pour As above so below (un nuage undulatus asperatus rarissime traversé par un avion providentiel), Gauthier Fabri est juste un témoin qui rapporte ce qu'il a vu. Dans Fall in Love, il se promène et pose son regard d'artiste sur un paysage d'automne étonnamment pictural. Avec le calme pendant la tempête de As above so below II, il va à la rencontre d'une tempête annoncée comme une des plus importantes de ces cinquante dernières années pour nous en offrir une vision tout à fait inhabituelle, en inversant les choses et en suspendant le temps grâce à une pose très longue au moment où les éléments sont les plus déchaînés.

Peinture ou photographie ?

Quand la nature devient artiste, elle est assurément plus peintre que photographe. Dans ces Alchimies naturelles, avec des cieux peints à grands coups de brosse, des touches de couleurs juxtaposées à la manière des impressionnistes et des formes qui s'estompent dans de subtils effets de sfumato, elle se révèle comme un paysagiste à la technique virtuose.

Perspectives: de la chimie à l'alchimie

Alchimie et photographie sont étroitement liées. Non seulement la lumière est au centre de ces disciplines, mais l'alchimiste (également appelé artiste) et le photographe ne travaillent-ils pas tous les deux dans un laboratoire, l'un pour réaliser le Grand Œuvre (c'est-à-dire la pierre philosophale) et l'autre pour y créer ses œuvres? Ce lien est encore plus évident dans les Métamorphoses de Gauthier Fabri où s'illustrent différents concepts alchimiques tels que l'inversion, la transmutation, le solve et coagula et la quintessence.

La pierre philosophale

Chaque Homme, dit-on, doit trouver sa pierre philosophale. Cette dernière permettrait non seulement de transmuter le plomb en or, mais surtout d'accéder à l'immortalité. À travers leurs œuvres, de grands artistes comme Mozart, Michel-Ange et Claude Monet sont devenus immortels. Et si le sésame pour obtenir la vie éternelle se cachait dans l'Art?

 

À la recherche des couleurs de Monet à Giverny

Gauthier Fabri s'est lancé début 2018 dans un projet qui allait l'emmener chaque mois pendant un an à 350 km de chez lui pour faire plus de 150.000 photos dans les jardins de Claude Monet. Dans un processus de création qui relève de la prouesse technique, il utilise ensuite ces photos pour composer des mosaïques de fleurs constituées de milliers de petites images (souvent plus de vingt mille).

Projet différé

En octobre 2012, Gauthier Fabri introduisait, sans succès, une demande auprès de la Fondation Monet pour pouvoir photographier les fleurs et les végétaux dans les jardins de Monet à Giverny pendant toutes les saisons afin d'utiliser ensuite ces photos comme autant de touches de couleurs pour "peindre" des tableaux.

Avec le recul, ce refus s'avérera être une chance pour Gauthier Fabri, car quelques années plus tard, il aura acquis une expérience supplémentaire grâce à la création de plusieurs grandes mosaïques. Il aura aussi tiré les leçons d'un projet resté inachevé pour des raisons techniques après avoir fait plus de 12.000 photos à Dubaï. Enfin, il disposera d'un matériel photographique et informatique beaucoup plus performant, ce qui s'avérera très utile pour mener à bien une entreprise dont la complexité et l'ampleur dépasseront de loin ce qu'il avait imaginé.

Des jardins-tableaux

Le choix des jardins de Monet ne doit rien au hasard. En effet, en plus d'être peintre, Monet était également un jardinier paysagiste hors pair qui composait les décors de ses futures toiles lorsqu'il plantait ses fleurs. En se rendant à Giverny, c'est donc l'essence même de sa peinture que Gauthier Fabri souhaite capturer à travers la lumière et les couleurs de l'univers végétal dont le peintre s'était entouré.

Issues de ce prestigieux terroir, ces fleurs sont quelque part les vraies couleurs de Monet. Elles portent en elles un peu de son histoire et sans doute aussi quelques "cellules souches" de l'impressionnisme.

Objectif: 100.000 photos

En février 2018, Gauthier Fabri vient d'exposer ses Métamorphoses à Lille Art Up et le moment est venu pour lui de repenser aux jardins de Monet. Craignant un nouveau refus, il décide d'entamer son projet sans rien demander à personne. Son but: se rendre à Giverny chaque mois pendant une année pour y faire au moins 100.000 photos de "Fleurs" en ne manquant aucune floraison et en les photographiant sous tous les angles et sous toutes les lumières, afin de capturer le plus de formes et de nuances colorées possible.

Par "Fleurs", il faut entendre non seulement les fleurs poussant sur le sol, sur les arbres ou sur l'eau (comme les fameux nymphéas), mais également tous les autres végétaux (arbustes et arbres, plantes, buissons, bambous, etc.) prenant racine dans la propriété où le peintre a vécu pendant plus de quarante ans.

S'ajoutent à cette liste les effets de lumière (contre-jours, transparences, scintillements, etc.), les reflets dans l'eau et le ciel partout présents dans les toiles de Monet. Il y aura aussi toutes sortes de petits détails comme des insectes, des fruits, des pancartes typiques de l'endroit et bien sûr le célèbre pont japonais.

Lorsque les jardins ouvrent le 23 mars, Gauthier Fabri est le tout premier visiteur à en franchir les portes. En se mêlant à la foule anonyme des touristes, il va pendant neuf mois vivre au rythme des saisons en complétant sa palette de couleurs à chaque visite et en étant le témoin privilégié de la transformation progressive des jardins en de véritables tableaux de maître.

Fin de saison

En septembre, Gauthier Fabri passe trois jours d'affilée à Giverny et y fait plus de 23.000 photos, dont son 100.000ème cliché, atteignant ainsi son objectif initial avec deux mois d'avance. Le 1er novembre, jour de clôture annuelle des jardins, Gauthier Fabri sera le dernier des 700.000 visiteurs de la saison à quitter les lieux, non sans avoir pris une ultime photo du jardin d'eau alors qu'il fait pratiquement nuit. Après avoir fait plus de 130.000 photos en 9 mois, il pense maintenant à l'étape suivante: obtenir à tout prix l'autorisation de pouvoir revenir faire des photos les trois mois suivants afin de boucler un cycle complet des saisons sans interruption.

Prolongations hivernales

Sur base de ses premières œuvres exposées à Paris Fotofever, Gauthier Fabri obtient de la Fondation Monet l'autorisation de poursuivre son travail dans les jardins fermés au public.

De décembre à février, dans les allées désertes du Clos normand et autour du bassin aux nymphéas où Monet a tant de fois posé son chevalet, Gauthier Fabri connaît une expérience presque mystique, seul le déclenchement de son appareil photo venant troubler un silence proche du recueillement. L'esprit de Monet est partout, incroyablement présent.

Il n'y a pratiquement plus de fleurs ni de feuilles, mais c'est un autre monde qui se révèle: celui des mousses, des écorces, des lichens et des branches dénudées, venant compléter la palette colorée de belles nuances fauves, de bruns mordorés, de rouge, de vert et d'or.

Bilan

Lorsqu'il achève sa douzième et dernière récolte d'images le 28 février 2019, Gauthier Fabri a fait plus de 156.000 photos. Après cinq étapes successives de tri et d'optimisation de ses photos réparties sur dix-huit mois, il conservera finalement 129.745 images qui constitueront la palette dont il se servira pour "peindre" ses futures œuvres.

Des couleurs vivantes

Contrairement aux couleurs fabriquées par l'homme, la palette que Gauthier Fabri est allé cueillir avec son appareil photo dans les jardins de Monet est lumineuse, vivante et pleine d'énergie, car elle est uniquement constituée de fleurs et de végétaux, eux-mêmes fruits de l'interaction des quatre éléments de base de la nature: la terre, l'eau, l'air et le feu (soleil).

Peindre avec des Fleurs

Se déroulant sur ordinateur, le processus créatif de Gauthier Fabri combine photomontage, retouche photo, graphisme, peinture numérique et l'utilisation d'un logiciel de photomosaïque.

Gauthier Fabri a décidé d'utiliser les fleurs de sa palette sans les modifier en aucune façon afin d'en respecter la nature profonde. Considérant que c'est aux œuvres de se plier aux exigences de la palette et non le contraire, c'est donc sur le sujet central de sa création que l'artiste travaillera en le retouchant aussi bien au niveau des couleurs que de la forme jusqu'à ce que sa transformation en fleurs lui donne entière satisfaction.

Si l'usage d'un ordinateur pour travailler avec 130.000 images à la fois est absolument indispensable, il n'est pas pour autant question ici d'automatisme et encore moins de recettes toutes faites. Dans le processus créatif, le logiciel n'est qu'un outil pour le photographe, à l'instar du four utilisé par le maître verrier dans la fabrication des vitraux. Dans un cas comme dans l'autre, l'expérience et le savoir-faire de l'homme sont déterminants pour préparer les "matières" et mener à bien leur transformation ici en fleurs dans un ordinateur, là en verre coloré dans la flamme.

Dans un travail artistique d'une telle précision, l'ordinateur montre rapidement ses limites et les ajustements manuels sont innombrables. Gauthier Fabri a dû mettre au point une technique inédite pour créer des photomosaïques ressemblant à des peintures tout en offrant un niveau de détail jamais vu auparavant. La finition des œuvres consiste à peaufiner les mosaïques vignette par vignette afin d'obtenir un résultat aussi beau vu de loin que de tout près.

La métamorphose d'un sujet en fleurs est une alchimie dont le résultat n'est jamais acquis d'avance. Chaque œuvre demande en effet une approche spécifique et le travail de l'artiste peut s'étendre sur des jours, voire des semaines entières. Parfois aussi, il lui faut renoncer, car malgré tous ses efforts, la "magie" n'opère pas.

Une touche sans compromis

Aucun artifice n'étant utilisé pour pallier un éventuel manque de nuances de la palette, les photos ne subissent donc aucune altération de couleur ou de densité lors de la création des œuvres. Il n'y a également ni recadrage, ni symétrie ou rotation d'aucune sorte. Ce que l'on voit dans les œuvres est donc exactement ce que Gauthier Fabri a photographié.

Pour créer des mosaïques présentant une grande fluidité des traits, Gauthier Fabri combine les photos horizontales et verticales dans un opus spécialement étudié afin d'éviter l'apparition d'un pattern géométrique. Il en résulte des œuvres où les photos semblent littéralement se fondre les unes dans les autres dans une touche plus impressionniste que pointilliste.

Si le procédé de photomosaïque n'a en soi rien de nouveau, force est de constater que sa "mise en œuvre" dépasse ici de loin le simple effet technique. Avec sa palette unique entre toutes, l'artiste questionne non seulement le concept de couleur mais aussi la nature même de l'image à travers des tableaux qui offrent deux niveaux de lecture selon la distance à laquelle on les observe. Ainsi "pixélisées" en milliers de touches colorées qui sont comme autant de petits tableaux, les œuvres de Gauthier Fabri sont si riches et détaillées qu'il est pratiquement impossible de poser deux fois les yeux au même endroit.

La vraie couleur de l'atmosphère

Dans sa quête colorée, Gauthier Fabri a accordé une importance toute particulière aux tonalités mauves et violettes très présentes dans les œuvres de Monet. Le peintre avait en effet déclaré en 1881 qu’il avait enfin découvert la vraie couleur de l’atmosphère: « elle est violette ... dans trois ans, le monde entier travaillera en violet ». Son autoportrait, peint en 1886, illustrera parfaitement son propos.

Métamorphoses picturales

Avec ses Métamorphoses, Gauthier Fabri questionnait la notion de représentation en transformant la réalité. Avec ses mosaïques de fleurs, il pousse cette interrogation plus loin en jouant sur notre perception et en interrogeant notre rapport à l'image en redéfinissant l'idée même de représentation avec des couleurs et des formes d'un genre nouveau.

De par sa nature, la palette photographique de Gauthier Fabri, imprégnée de l'esprit de Monet, vient occuper une place à part à côté de teintes dont le nom est à jamais lié à des artistes illustres comme le bleu Klein ou le vert Véronèse. Notons que si cette palette se prête merveilleusement à la création d'œuvres colorées très diverses, elle connaît aussi quelques limitations dues à des "trous" dans son spectre chromatique, en particulier au niveau de certaines nuances pâles comme la teinte chair qui en est pratiquement absente.

Un langage universel

De 1892 à 1894, Monet a peint une trentaine de fois la cathédrale de Rouen sous différentes lumières. Dans ce travail d'où la nature est totalement absente, seule la rosace surplombant le portail relie symboliquement la série à l'univers floral de Giverny. Et si, avec ces toiles presque monochromes, Monet avait cherché à attirer notre attention sur l'importance de la forme?

Après avoir consacré une année entière à "cueillir" sa palette de couleurs en prenant des photos dans les jardins du maître de l'impressionnisme, le photographe devenu "peintre" à sa manière dispose dans sa trousse d'une palette de couleurs à l'ADN unique entre tous lui permettant aussi bien de revisiter des œuvres existantes en leur insufflant une vie nouvelle que de créer des œuvres originales.

Mais au-delà de l'univers pictural, cette palette hors du commun invite forcément l'artiste à explorer de nouveaux territoires: géométrie sacrée, symbolisme, graphisme, etc. Avec des couleurs possédant une telle énergie et un tel potentiel, les possibilités semblent pratiquement infinies.